Tribune de Franck Morel, avocat

 




Prévention de la pénibilité dans l’entreprise

 

 

Franck Morel est avocat associé au sein du cabinet Barthélémy avocats, au bureau de Paris. Il était auparavant Directeur adjoint du cabinet du Ministre du travail. Il a occupé plusieurs emplois en entreprise et au Ministère du travail. Il est également l’auteur de trois ouvrages sur le travail et l'emploi. Le cabinet Barthélémy avocats est partenaire du Congrès.

 

Depuis la loi du 20 janvier 2014 (Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites) ainsi que six décrets du 9 octobre 2014 (n°2014-1155, n°2014-1156, n°2014-1157, n°2014-1158, n°2014-1159, n°2014-1160) et un décret 2015-259 du 4 mars 2015, le dispositif pénibilité est constitué de deux volets. Un premier volet dit préventif avec l’obligation pour l’employeur de mettre en place un diagnostic pénibilité, des fiches d’exposition et un accord ou un plan d’action visant à réduire la pénibilité. Un deuxième volet dit compensation, avec la création du compte personnel de prévention de la pénibilité pour les salariés qui, malgré les mesures de prévention, sont soumis à des travaux pénibles.

Dix facteurs de risques pénibilité ont été dégagés depuis 2010 mais seulement quatre sont pris en compte depuis le 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif et les activités exercées en milieu hyperbare.  

L’employeur évalue l’exposition de ses salariés à la pénibilité grâce à deux critères : les facteurs de pénibilité applicables au type de poste occupé, et l’exposition en moyenne annuelle du salarié sur le poste occupé. L’exposition de chaque travailleur est appréciée au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé, telles qu’elles se révèlent être en moyenne au cours de l’année.

Si un travailleur est affecté à plusieurs postes au cours de l’année, l’employeur doit prendre en compte l’ensemble des expositions subies par le travailleur sur l’ensemble de ces postes pour déterminer son exposition annuelle. Il est utile de préciser que le suivi des expositions ne concerne pas les titulaires de contrats de travail d’une durée inférieure à un mois. Quant aux périodes d’absences, elles sont prises en compte si elles remettent notoirement en cause l’exposition au-delà des seuils caractérisant le poste occupé (Instruction DGT-DSS n°1 du 13 mars 2015 relative à la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité en 2015).

Les points sont acquis par trimestre et les seuils proratisées. On aboutit donc à ce que :

- un salarié employé en contrat de moins d’un mois n’a pas de droit et l’employeur ne paie pas de cotisation spécifique pénibilité sur son salaire.

- un salarié employé en contrat de un mois à trois mois n’a pas de droit mais l’employeur va payer une cotisation pénibilité sur son salaire.

- un salarié employé en contrat de plus de trois mois acquiert des droits et l’employeur devra payer une cotisation et faire une fiche pénibilité.

La fiche n’est faite que si le salarié dépasse les seuils.

Cette réforme n’est pas sans incidence pour les employeurs, qui ont à partir de 2015 de nouvelles obligations : procéder à une évaluation de l’exposition des salariés sur une base collective et une moyenne par rapport à des seuils fixés réglementairement, procéder à une gestion des fiches de prévention via le logiciel de paie ainsi que procéder à la déclaration de cotisations dans le cadre de la DADS. Les employeurs devront répondre à l’obligation de déclaration en janvier 2016 pour l’ensemble des salariés exposés en 2015.

En effet, le dispositif du compte pénibilité fonctionne sur une logique de seuil : pour chaque facteur est défini un seuil annuel d’exposition. En deçà du seuil, le salarié ne reçoit pas de points et l’employeur ne paye pas de cotisation spécifique. Les seuils sont applicables à toutes les activités, définis par des valeurs planchers portant à la fois que l’intensité physique et la temporalité de l’exposition et appréciés de façon annuelle. Ainsi, par exemple, pour le port de charges lourdes, est proposé un seuil de 15 kilos pendant 600 heures par an. Le salarié qui serait au-delà de ces deux valeurs planchers, après application des mesures de prévention collective (isolation sonore, systèmes d’aspiration d’air, engins de levage, …) et individuelle (casques de protection auditive, appareils de protection respiratoire, …), serait considéré comme exposé.

Les entreprises doivent être vigilantes sur l’évaluation des risques et tenter d’évoluer dans les très complexes règles issues de ces seuils qui aboutissent à des absurdités avec lesquelles elles doivent composer.

Par exemple, on peut dénombrer 4 généralités d’accords ou plan de prévention :

- les accords ou plans antérieurs à 2015 si plus de 50 % des salariés sont exposés à des facteurs de pénibilité, sans seuil et avec un choix entre l’accord ou le plan d’action,

- les accords ou plans d’action en 2015 si plus de 50 % des salariés sont exposés à un des 4 facteurs de pénibilités applicables, au-delà des seuils réglementaires et avec un plan seulement à défaut de succès de la négociation d’un accord,

- les accords ou plans d’action en 2016 à 2017 si plus de 50 % des salariés sont exposés à un des 10 facteurs de pénibilités applicables, au-delà des seuils réglementaires et avec un plan seulement à défaut de succès de la négociation d’un accord,

- les accords ou plans d’action à partir de 2018 si plus de 25 % des salariés sont exposés à un des 10 facteurs de pénibilités applicables, au-delà des seuils réglementaires et avec un plan seulement à défaut de succès de la négociation d’un accord.

Les différentes sources de contentieux directs devant le TASS ou indirects par utilisation des informations données dans ce contexte ont été également évoqués.

De la nécessité de maîtriser les règles et processus pour limiter les dégâts ! …




 

 

 

 


Powered by AVANTI Technologies