Tribune de Christophe Laval, président fondateur de VPHR

 

 



 

 « La reconnaissance au travail comme outil stratégique du changement »

 

Président fondateur de VPHR, Christophe Laval, CRP, a occupé de 1985 à 2005 des fonctions de direction générale et de direction RH dans plusieurs groupes internationaux (Schlumberger, Quaker Oats, Yoplait, Compass Group). De 2006 à 2009, il a été directeur général d’Entreprise & Personnel, association regroupant 150 grandes entreprises dont la moitié des sociétés du CAC 40. 
Lors du congrès international francophone des RH des 25 et 26 juin prochains au Cnit La Défense, il co-animera un atelier sur la reconnaissance au travail.

 

 

Dans la revue « Effectif » de l’Ordre des CRHA du Québec, Alain Gosselin (Finalement, être stratégique en ressources humaines, c’est… - numéro Janvier/Février/Mars 2013), Professeur en GRH et Directeur de l’Ecole des dirigeants d’HEC Montréal, soulignait  récemment que l’avenir de la fonction Ressources Humaines passait par « une solide capacité d’influence basée sur une forte crédibilité professionnelle et personnelle de même qu’une responsabilisation accrue des gestionnaires (NDLR : Managers) à l’égard des attitudes et des comportements de leur personnel ».

Il ajoutait que les professionnels en ressources humaines « doivent aussi faire la démonstration qu’ils possèdent le coffre à outils et les stratégies nécessaires pour construire des solutions parfaitement appropriées à leurs préoccupations et à leurs besoins ».

Une de ces stratégies passe par la mise en place d’une politique de reconnaissance au travail qui peut s’avérer un outil extrêmement efficace pour piloter le changement au sein des organisations.

Le DRH aura tout d’abord un rôle d’influence important vis-à-vis de la ligne managériale en insistant sur le fait que la reconnaissance est une des causes de la performance et qu’elle doit en conséquence s’inscrire dès le départ dans les objectifs stratégiques et pas seulement à l’arrivée comme une récompense de l’atteinte de ces objectifs.

C’est un point majeur car beaucoup d’entreprises ont encore tendance à se focaliser sur les coûts apparents du travail en négligeant les coûts cachés comme ceux du désengagement qui ont pourtant un impact essentiel sur la performance financière.

Ensuite, une réflexion sur les composantes de la reconnaissance permettra de faire un état des lieux des forces et faiblesses de son organisation.

 

Quatre types de reconnaissance

 

Pour inventorier facilement les pratiques d’une entreprise, les lacunes existantes et les actions spécifiques à mener, le Professeur canadien Jean-Pierre Brun de l’Université Laval a dégagé plusieurs perspectives en la matière et identifié quatre formes de reconnaissance (La reconnaissance au travail, une pratique riche de sens – Jean-Pierre Brun & Ninon Dugas – Secrétariat du Conseil du Trésor, Gouvernement du Québec – 2002 ) :

  • La reconnaissance existentielle à travers laquelle le collaborateur est reconnu en tant que personne et a donc le sentiment d’être pris en considération, d’exister aux yeux des autres et d’être respecté pour ce qu’il est.
  • La reconnaissance de la pratique de travail où l’on reconnaît la manière dont le salarié effectue son job à travers ses compétences techniques, son expertise, ses attitudes et ses comportements.
  • La reconnaissance de l’investissement dans le travail qui permet de reconnaître les efforts, la prise de risque à travers lesquels le collaborateur a contribué au processus de travail.
  • Enfin, la reconnaissance des résultats où l’on reconnaît le produit du travail du salarié, sa contribution par rapport à des objectifs.

 

Trois salariés sur quatre non satisfaits de la reconnaissance de leurs efforts

 

La synthèse de nos interventions (Enjeux et perspectives de la reconnaissance au travail – Livre blanc VPHR – 2013) dans les entreprises montre que trois salariés sur quatre ne sont pas satisfaits de la reconnaissance de leurs efforts. Ils préconisent une meilleure reconnaissance de l’énergie et des risques qu’ils prennent pour mener à bien les projets de leur organisation, et ceci indépendamment des résultats obtenus.

Les salariés mettent également l’accent sur la reconnaissance existentielle en soulignant que l’environnement de travail est un lieu où ils ont besoin de se réaliser et que pour cela ils doivent se sentir respectés et estimés.

Selon eux, la reconnaissance doit avant tout s’exprimer au fil des paroles et des gestes quotidiens et tout comportement déviant doit être systématiquement sanctionné.

 

Le concept de Servant Leadership

 

La fonction Ressources Humaines peut ici avoir un rôle important dans le pilotage du changement en contribuant à la mise en place d’un style managérial basé sur la confiance envers les équipes, le respect et la reconnaissance de la valeur intrinsèque des individus, le droit à l’erreur et l’exemplarité.

Cela renvoie au concept de Servant Leadership développé en 1970 par Robert K. Greenleaf (The Power of Servant Leadership – Robert K. Greenleaf – 1970) qui suscite aujourd’hui un regain d’intérêt, ce dont on ne peut que se réjouir car bon nombre de DRH pourront aller y puiser leur inspiration.

En effet, non seulement le Servant Leader authentique va s’attacher à faire grandir en tant que personne les membres de son équipe mais il va aussi les consulter et les inciter à exprimer leurs idées. Or, l’expérience montre que les salariés déplorent d’être trop rarement consultés par leur management ou, pour ceux qui ont la chance de l’être, le manque de reconnaissance de leurs idées. 

Toutes catégories d’organisations et tous secteurs confondus, les salariés sont de plus en plus demandeurs d’informations sur les orientations de leur entreprise. Ils souhaitent également être écoutés sur la manière dont le travail doit être accompli et veulent prendre davantage part aux décisions qui les concernent. Ils veulent qu’on sollicite tout autant leur intelligence individuelle ou collective que  leurs compétences afin d’exprimer simplement le potentiel de progrès qu’ils portent en eux.

Les premières publications de Jean-Pierre Brun  avaient plutôt mis l’accent sur la reconnaissance comme témoignage d’appréciation et de gratitude. Le concept s’élargit maintenant à la «reconnaissance intégrative» qui offre une place plus large aux personnes dans la dynamique des entreprises. La reconnaissance au travail est désormais décrite comme «une approche centrée sur le vécu et l’intégration organisationnelle, orientée vers la compétence et la participation, fondée sur la confiance dans la personne».

 

L’intégration des salariés contribue à la performance économique des organisations

 

Cette exigence de reconnaissance intégrative est non seulement bénéfique au niveau humain (elle augmente la motivation, améliore les conditions de travail et contribue aux mieux-être des salariés) mais également indispensable du point de vue économique.

La Fondation de Dublin dans son étude de 2013 Work organisation and employee involvement in Europe a démontré combien l’intégration des salariés contribue à la performance économique des organisations et souligne qu’aujourd’hui, les marges de progression restent beaucoup plus importantes dans les pays européens latins que dans ceux de l’Europe du Nord. A titre d’exemple, seuls 31% des salariés français déclarent pouvoir influencer les décisions qui sont importantes pour leur travail contre 40% pour la moyenne des 27 pays de l’Union Européenne.

La motivation intrinsèque prend désormais le pas sur l’approche traditionnelle de la carotte et du bâton. Et la reconnaissance intégrative peut renforcer considérablement les chances de mener à bien un programme de changement.

La plupart des études internationales concluent que seuls 30%  des programmes de changement atteignent leurs objectifs.

Cela devrait inciter les DRH à s’interroger sur la pertinence des approches traditionnelles en matière de gestion de changement et à privilégier une perspective davantage centrée sur l’aspect humain et sur les préoccupations des différentes parties prenantes.

 

Favoriser de nouvelles approches comme l’innovation participative ou la co-construction

La fonction RH a tout à gagner à développer les compétences des managers en reconnaissance au travail et favoriser de nouvelles approches comme l’innovation participative ou la co-construction.

Une publication de McKinsey (Plus ça change - Carolyn Aiken & Scott Keller - McKinsey Quarterly, 2010) soulignait en 2010 que « de petites récompenses inattendues peuvent avoir d’énormes effets sur la satisfaction des employés engagés dans un programme de changement ».

Elle poursuivait en indiquant qu’ «une grande partie de l’énergie dépensée pour communiquer servirait bien mieux le processus de lancement si l’on se contentait… d’écouter » et concluait que « quand nous faisons nos propres choix, nous sommes nettement plus engagés envers le résultat (facteur de presque 5 pour 1). Les approches conventionnelles de la gestion du changement sous-estiment cet élément».

Le jeu en vaut donc la chandelle pour les DRH confrontés à des programmes de transformation et constitue pour eux une belle opportunité de faire progresser leur organisation !

 

 

 





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